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e.martin - 11/12/2012 15:16:40

Bonjour ptitperl07,

Vous avez tout à fait raison de ne pas vouloir vous taire. Le silence est le complice des alcooliques, il les aide à continuer, à ne pas se confronter à leur problème. Des études ont montré que les alcooliques qui cherchaient de l'aide étaient plutôt ceux pour lesquels la famille et les proche disaient le problème, abordaient le sujet plutôt que de ne rien dire.

Cependant toute la difficulté est de "dire" sans être harcelant, jugeant, menaçant, dévalorisant, négatif, agressif. Ils faut aussi savoir choisir les bons moments pour le dire : alcoolisé cela ne sert à rien. Les lendemains de "cuite" ou les matins quand il n'a pas trop bu sont peut-être plus propices.

Que pouvez-vous dire ? Comment en parler ? C'est toujours difficile à dire, à décrire. Cela dépend bien sûr de chaque situation et de votre relation avec lui. Tout d'abord je crois qu'il faut essayer de dire les faits tels que vous les voyez puis ensuite tels que vous les ressentez vous. Plus que compter le nombre de verres bus, il est peut-être plus utile de relater les effets négatifs que vous avez constaté, les conséquences concrètes de l'alcoolisation. Cela peut aussi bien être des conséquences pour lui (il s'est endormi à tel endroit ou à tel moment inapproprié, il s'est cogné, il est tombé, il s'est uriné dessus ou a vomis, etc.) que pour vous (il puait et vous avez dû supporter cela toute la soirée, vous avez perdu le contact avec lui à partir de telle heure, etc.). L'énoncé de ces "faits" doit cependant se faire de manière à ce qu'ils ne se transforment pas en reproches déguisés ou en jugements de valeur. Vous devrez prendre des précautions oratoires à ce sujet.

Ensuite il serait peut-être intéressant d'essayer non pas de parler de lui et de son problème mais de lui parler de vous. Qu'est-ce que cela vous fait de le voir comme cela ? Qu'est-ce que cela vous a fait par exemple hier soir quand il s'est encore une fois alcoolisé ? Que ressentiez-vous ? Déception ? Colère ? Peur pour lui ? Peur pour vous ? Dégoût ? Et ces sentiments que vous avez éprouvés, quels besoins non satisfaits révèlent-ils chez vous ? Est-ce que votre besoin c'est de ne plus sentir cette odeur que vous évoquez ? Est-ce que votre besoin c'est de pouvoir être rassurée à son sujet ou au sujet de l'avenir de votre couple ? Avez-vous un besoin de sécurité ? Ou encore un besoin de souffler ? Un peu de tout ça ? D'autres choses encore ? Seule vous pouvez identifier les besoins non satisfaits qui provoquent les émotions que vous éprouvez lorsqu'il s'alcoolise. Ensuite vous devez essayer de lui parler de ces besoins insatisfaits et de lui demander comment il pourrait, d'après lui, vous aider à les satisfaire. N'apportez pas vous-même la ou les solution à vos besoins, laissez-le en proposer.

Je ne sais pas si vous comprenez où je veux en venir mais en gros l'idée est d'inverser le discours habituel que vous pouvez avoir avec lui, inversion qui peut tout changer car il s'agit de contourner ses résistances à changer. En l'occurrence il est donc peut-être intéressant d'essayer de faire en sorte que le problème, si j'ose dire, cela soit vous, que cela soit vous qui ayez besoin d'aide et non lui. En faisant cela vous ne communiquez plus avec lui sur son problème et ses manquements, thèmes sur lesquels il est hautement résistant et réticent, mais sur votre relation avec lui et ses développements. Vous serez peut-être surprise de voir qu'une personne en difficulté, malade alcoolique, incapable de se remettre en cause, sera pourtant très heureuse si elle peut aider l'autre et s'en sentira valorisée si elle réussit et que vous l'en remerciez. Cette valorisation est d'ailleurs extrêmement importante pour lui redonner confiance en lui, en ses capacités à s'en sortir mais aussi pour lui donner l'envie de le faire. Il ne s'agit donc pas de lui demander des choses impossibles à faire pour satisfaire vos besoins (si vous lui demandiez tout de go {"soigne-toi pour satisfaire mes besoins"} vous auriez tout faux), mais de vous mettre d'accord ensemble sur ces petites choses concrètes, accessibles, qu'il pourrait faire pour que vos propres besoins soient satisfaits.

Entendons-nous bien, je ne dis pas que vous avez un problème et lui pas. C'est bien lui qui devrait se faire aider pour son problème d'alcool. Mais l'alcoolisme suscite beaucoup de résistances et de déni chez l'alcoolique et lui dire de se soigner le renvoie souvent à son impuissance à le faire, qui renforce son manque d'estime de lui-même et par là son alcoolisation. Il faudra qu'il prenne un jour la décision de s'en sortir comme c'est arrivé au conjoint de Marie89, mais cette décision il est bien entendu le seul à pouvoir la prendre. Ce qui peut favoriser ce déclic en revanche c'est chez lui le sentiment qu'il est capable de réaliser des choses, qu'il est aimé "malgré tout", que votre relation est vivante et l'aide à se sentir mieux.

En résumé, ma suggestion est donc qu'au-delà des faits que vous constatez et que vous devez toujours dire, vous n'axiez pas votre relation avec lui sur son problème d'alcool. Essayez plutôt de réfléchir à vos besoins non satisfaits, de lui en parler et de lui demander son aide. C'est bien sûr quelque chose qui se construit dans le temps : il ne s'agit pas d'essayer une fois mais plutôt de faire en sorte que cette manière de faire devienne votre principal mode opératoire avec lui.

Pour ce qui de savoir ou non si vous devez accepter de boire avec lui il y a plusieurs degrés de réponse. Tout d'abord il est vrai qu'il y a des conjoints d'alcooliques qui ont suivi leur compagnon dans l'alcoolisme sans l'être au départ. Il faut garder cette information à l'esprit en guise d'alerte mais ne pas en déduire que vous ne devez absolument pas boire avec lui. S'il y a un moment où vous ne devrez pas boire d'alcool en sa présence c'est quand il aura fait un sevrage. Boire devant lui serait alors très tentant pour lui et l'inciterait à rechuter. Mais pour l'instant ce n'est pas le cas. En vivant au quotidien avec lui vous ne savez plus quoi penser mais votre ligne de conduite pourrait être tout simplement de ne boire en sa présence que dans les situations où vous en avez réellement envie pour vous et parce que la circonstance (apéritif, repas...) s'y prête et non parce qu'il vous le demande. Vous pouvez d'ailleurs souligner cet aspect là des choses : vous buvez un peu d'alcool parce que vous le choisissez tandis que lui boit par nécessité et il ne va pas s'arrêter une fois commencé. Vous êtes libre de choisir là où il ne l'est plus car que vous buviez ou non, lui il boira. Néanmoins, votre choix de ne pas boire d'alcool en sa présence parce que vous pensez que cela cautionnerait sa pratique est tout aussi valable. Essayez simplement, en cette circonstance, d'être la plus simple possible et de suivre votre instinct.

Pour finir, n'hésitez pas à chercher autour de vous du soutien. "En parler" c'est aussi en parler à vos proches et à des professionnels. Ce forum est un premier pas mais je ne saurai que vous recommander aussi de franchir le pas pour aller soit dans un centre de soins spécialisé, soit dans un lieu d'écoute, soit dans une association d'anciens buveurs ou pour l'entourage, soit tout simplement aussi, pourquoi pas, en parler à un psychologue en ville. Comme en témoignait Marie89 et comme vous le savez aussi, tout cela est long, difficile et compliqué. Cela demande de votre part une bonne dose d'amour, de patience, d'abnégation et de soutien. Ce n'est pas toujours possible, parfois on craque, parfois on ne sait plus où on en est ni quoi penser, on est à court d'idée, on ne sait pas comment interpréter les choses, etc. Bref c'est dans toutes ces circonstances mais aussi pour son propre équilibre personnel qu'en parler de la sorte à des tiers est nécessaire.

Cordialement,

le modérateur.

Profil supprimé mardi 11 décembre 2012 14:16:40