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Faire des choix et les assumer

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J'ai commencé à consommer des drogues très jeune. Je n'aimais pas l'alcool. Je trouvais que ça rendait con. Je gobais et je fumais surtout. J'aimais bien la coke aussi mais sans plus. Trop chère et d'un effet pas si tordant finalement. Je préférais dépenser 5 keus (50 francs à époque) pour 12h de défonce: un bon double Bart dans le bide et à toi la rue sans sentir le froid, à triper sur n'importe quoi qui stimule tes hallus. C'était géant! Ça faisait cogiter sec aussi. Enfin, ça je ne le compris qu'après... à 13 ans. Le jour où les portes de la perception s'ouvrirent sur ma gueule sans que je le demande ; pas consciemment du moins.

Durant l'été 1993 je fis un méga bad trip qui bouleversa ma vie. Ce fut une nuit d'enfer. J'avais bouffé un acide particulièrement fort. Pas vraiment un truc pour un gamin comme celui que j'étais. La seule solution que je pus trouver ce soir là pour arrêter ce bad ce fut de rentrer chez ma mère qui appela un médecin. Il m'injecta je ne sais trop quoi qui permit de calmer mes méchantes hallus et ma terrible crise d'angoisse paranoïde. Ça permit également d'éviter que mon cœur ne lâche. Faut assumer dans la vie. Ce soir là j'en fus bien incapable. J'avais choisi la rue et ne sus pourtant trouver d'autres solution que d'aller me réfugier chez ma maman. Je répéta ce scénare par deux fois encore ; une fois en revenant une nouvelle et dernière fois vers elle. L'autre en demandant de l'aide à un pote qui trouva la solution: du rhum pour retrouver des sensations plus normales! Véridique. C'est dingue mais véridique. J'étais accompagné d'un autre pote surnommé Braindead. Lui comme moi nous ressentîmes revenir sur terre grâce à ce qui en temps normal nous aurait fait tituber voir chavirer.

Suite au premier bad je me calma un bon moment. Quelques semaines en fait. Puis je me remis à fumer des pets à petites doses, une petite taffe par-ci par-là. Pas plus. Ça me provoquait des remontés si fortes à chaque fois preuve que cette substance avait laissé des traces en moi que je préférais me modérer pour ne pas sombrer dans la folie. Pendant quatre ans ce scénario se répéta: dès que je buvais une bière ou tirais deux lattes sur un pet je prenais une claque phénoménale. J'étais tonton Dédé du morceau Raide déf des Ludwig Von 88. Vous savez, celui qui a abusé du LSDdédédéddéddédédé... Surtout qu'il me fallut passer par ces deux autres bad dont je vous parlais tantôt pour enfin contrôler l'enfant terrible du bon docteur Hoffman.

A l'époque j'étais keupon. Je me démontais la couenne comme toute ma famille hormis mon père qui repartit dans son pays voir s'il pouvait gagner un peu de pognon à nous envoyer, nous fuir aussi et développer sa terre natale sans-doute. Ma mère s'enfilait les cachetons que son dealer de médecin lui prescrivait arrosé de quelques verres. Pas assez pour être considérées comme une buveuse disait-elle. Ma moyenne frangine quant à elle s'enamouracha d'un mec sympa qui avait sa combine pour ramener du teu du Maroc puis enchaîna avec une grosse merde qui allait devenir mon beauf durant de trop longues années. Ce tocard que je détestais avait le sens du business en revanche. Ensemble ils et se mettaient de tout. D'ailleurs, pour la petite histoire, le trip qui m'a mis l'angoisse de ma vie c'est lui qui les faisait tourner dans le quartier. Ceux du deuxième et du troisième bad aussi d'ailleurs. Je fis ainsi mes classes et en tarda pas à supérer le maître de très loin. Je devins indispensable du haut de mes 14 ou 15 ans. Pas un caïd. Un mec malin maîtrisant des techniques commerciales sophistiquées vendant sa camelote avant même l'avoir achetée. Pas du genre à se faire chopper. Toujours à satisfaire la clientèle à faire des bons prix, fournissant toujours le meilleur matos.

Avec mon grand frère on fit vite tourner la boutique. On allait à Rotter, Dam ou à Maastricht pour les taz, les trips ou les champi, même si ces derniers ce n'était que pour le plaisir puisque trop volumineux pour être rentables. Avec ma futur ex-femme nous visitâmes l'Espagne finançant nos voyages grâce à la C. Pour qui aime cette vie, c'était le pied. On ne manquait de rien: dans la famille il y avait déjà ce qu'il fallait. C'était un petit complément. Une façon de gagner notre indépendance. Le hic fut quand nous nous retrouvâmes à charge de son frangin fraîchement débarqué de son pays en Amérique Latine. Nous pûmes nous apercevoir à quel point nous gérions en comparaison. Cet abruti suivait les travellers dans leur camtar à mélanger kéta à cette coke de merde coupée au speed et à la novocaïne qui tournait en teuf. Chiant de devoir gérer un gamin de cinq ans son aîné ne parvenant à comprendre qu'en l'Europe prendre des traits n'importe où c'est comme insister pour visiter la maison poulaga. C'est ça quand on se met la tête et qu'on ne gère pas. Aujourd'hui enfermé dans les geôles de l'oncle Sam il doit avoir le temps d'y réfléchir. Au moins il connaît du pays de son père ce que peu visite. Triste consolation vous somme toute.

Plus tard c'est avec mon ex-femme nous nous mîmes à intensifier le bizz, à en faire un truc qui tourne bien. Pas un supermarché. Plutôt une épicerie de luxe. C'était super. On allait en teuf ou en techos pour s'amuser et se faire de la maille. Comme je vivais en squatt, rencontrer du monde était chose facile d'autant que nombre des sons qui inondaient la région parisienne de free sauvages partaient de chez moi. C'était une belle époque où nous alimentions prisons et HP de nos proches. Nous faisions aussi la fortune des dentistes à l'image d'un de mes meilleurs amis, paix à son âmes, qui à 25 ans n'avait plus que quatre dents à lui et des gencives plus que pourries. Oui Paix à ton âme mon pote. Tu veillas sur moi comme un frère lorsque je ne savais que me démonter et dormir dans les parcs ou sur le pavé. Grâce à toi j'appris à ouvrir des squatts. Trahir les règles du monde que tu avais choisi je te le pardonne, tu le sais bien. Eux non. Tu sais trop bien de qui je cause. Si tu es là où je ne sais si mes pensées t'arrivent c'en est bien la raison mon frère. RIP Tony.

Alors que je commençais à m'installer avec ma future ex-être aimé, le meilleur pote de mon frère voulut que je lui apprenne comment ramener de la zeb de Hollande. Je lui indiqua de quelle façon trouver de véritables contacts pour ce genre de commerce, pas des coffee, mais des gens du cru. Voyant que je n'avais pas de solution pour ramener une marchandise si encombrante par son odeur et son volume, il me proposa un marché: lui prêter de quoi démarrer son affaire, soit de quoi faire le voyage et acheter 200g de skunk. J'acceptais son marché. La solution qu'il trouva me surpris par son audace. Il ne s'encombra pas de précaution revenant des Pays-Bas par le Thalys un œuf de 200g dans la poche. La classe! Son manège dura un moment et les quantités ramenées augmentèrent. Le commerce était florissant d’autant que je ne consommais plus que de la weed, très occasionnellement en plus, gérant ainsi mieux mes affaires et dégageant de la sorte d'importants bénéfices. Du haut de mes 17 petites années je m'étais constitué un magot confortable. Je savais bien m'y prendre désormais.

Un matin, le téléphone sonna à une heure inhabituellement matinale. Au bout du fil ses associés qui me balbutièrent L. est mort. “Comment?” m'écriais-je. “L est mort. Il s'est suicidé cette nuit. Il a commencé au début de la semaine dernière à dire qu'il voulait se flinguer. Il venait d'être accepter dans son école de maths pourtant. Il avait plein de maille aussi. On ne comprend pas! Il a passé toute la semaine à enchaîner le speed et les taz devant nous assis sur son fauteuil pour se tuer.” “Et vous ne l'avez pas arrêté? Z'êtes cons ou quoi?” “... Non... Non... Il a finit par faire un malaise. On a appelé le Samu. Il était dans le coma. Il s'est réveillé à l’hôpital. Les médecins le pensaient sorti d'affaire. Il a trouvé le moyen de se désangler de son lit. Dès qu'il a pu il s'est esquivé et en a profité pour sauter par la fenêtre”. Ces personnes que je n'avais jamais vu, que je ne devais pas voir selon mes propres règles me balbutièrent ces quelques mots. Qui aujourd'hui encore résonnent dans ma tête. J'ai 31 ans.

Choisir de se défoncer ce n'est pas forcément vivre une histoire comme la mienne. Heureusement! Beaucoup de facteurs ont joué. C'est là tout le problème. C'est que nous avons tous nos forces et nos faiblesses. J'étais fort. Enfin je le croyais. Intransigeant. Je n'avais pas plus peur de la justice que de la mort ou même n'avais plus peur d'affronter mes peurs intérieurs. Cette vie m'a beaucoup appris aussi. Quand je regarde derrière moi je en vois pourtant de ces folles années qu'un champs de ruines. J'ai beaucoup de remords aussi. Même si je n'étais qu'un gamin je sais que j'ai fait beaucoup de mal autour de moi. C'est la règle quand on fait un choix de vie: assumer et vivre avec. Alors avant de mettre un pied là-dedans demande-toi ce que tu es prêt à assumer et où tu places tes limites. Ne les franchiras-tu pas un jour pour les déplacer un peu plus loin ? Qu'est-ce que t'en sais gamin ?

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