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Petit journal d'un papa d'une fille de 38 ans schizo sous cocaïne

Par Nabukodon

Juste une envie d'écrire et de décrire ce que j'ai vécu et vis, mais surtout ce que vit ma fille K.
Soyons clair ! Je ne dénonce rien et ne juge pas. Je décris.
Cela peut donc être choquant, incompréhensible, inadmissible pour ceux qui ne connaissent et ne vive pas cela.

Contexte :
K est malade psychiatrique depuis l’âge de 18 ans. J'ai toujours dit à K que, sauf évènement grave, je ne l'abandonnerai pas. Elle est domiciliée chez moi. Elle a sa chambre. Je vis seul. Je m’occupe d’elle, de ses affaires et de son administratif avec l'aide de sa curatelle.
K est tombée dans la cocaïne depuis un certain nombre d'années. Elle n'est plus autonome sur tous les plans depuis longtemps : hygiène, nourriture, administratif et finance.
Elle est maintenant à la rue quand elle n'est pas chez nous. L'état de manque fait qu'elle ne reste à la maison généralement qu'une ou deux nuits, puis elle repart, en état de manque, parfois après avoir dormi 36h d'affilé.
K rentre la maison uniquement quand elle est épuisée, mourante de faim, dans un état de crasse insupportable, ou renvoyée par un service d’urgence par vsl.
J’ai pu obtenir qu’elle respecte quelques règles quand elle est à la maison. Cela n'a été possible que grâce une très forte coercition de ma part, combinée à notre amour réciproque. C'est donc encore gérable pour moi pour l'instant.
L'année dernière, j'ai dû faire 6 changements de serrures et acheté je ne sais plus combien de téléphones. J'ai donc mis en place une boîte à clé. Depuis, elle part sans clé, sans téléphone, sans papiers, juste avec l'argent de poche que sa curatelle et moi lui donnons.

Petit exemple de vécu un samedi :
K est rentrée à la maison pendant que nous déjeunions. Elle était complètement shootée, en mode clochard diffusant instantanément une odeur pestilentielle.
Une des règles dans cette situation est qu’elle a ordre en entrant de ne pas quitter ses chaussures, d’aller directement dans la salle de bain pour se déshabiller dans la baignoire et de se laver en se désinfectant du haut en bas. Elle doit mettre toutes ses affaires dans un bac, direction le garage. Ce sera une lessive à l’ammoniac et au Cif Javel à 90° pour récupérer ce qui est récupérable. Les rares sacs à main qu’elle rapporte vont eux aussi directement à la poubelle. Ils contiennent toujours un mélange d’ordures, petit linge, déchets alimentaires, chaussures, bouteille d’ammoniac, pipes à crack bricolées dans une cannette, sachets de bicarbonate éventrés etc.
Remarquant le même chouchou dans ses cheveux depuis 15 jours, je suppute la réapparition d’une situation, déjà vécue il y a quelques mois, et qui n’a pu être réglée qu’avec une paire de ciseaux. On échange sur le sujet, mais complètement shootée, elle se révolte et la moitié de ce qu’elle dit est incompréhensible. Confronté à son refus de se laver correctement, c’est avec violence et que j’obtiens qu’elle s’assoie en chemise de nuit dans la baignoire pour que ce soit moi qui la lave. J’ai droit pendant les 10 premières minutes de lavage à des borborygmes verbaux entrecoupés d’insultes. Le jus gris du premier rinçage de ses cheveux disparaît après 3 ou 4 lavages. Je dois aussi couper 6 à 7 centimètres de pointes indémêlables.
Mais, après séchage, devant le miroir, elle reconnaît que cela valait le coup. Donc retour au calme et petite victoire pour moi. Elle dévore en 4 minutes et va dormir.
Elle est repartie le lendemain.

Autre vécu :
Après plusieurs jours d'errance sans nouvelle, elle apparaît à la porte, livrée par VLS. Elle sort d'un service d'urgence. Peu importe lequel.
En effet, je me rends compte qu'elle a encore une perfusion dans le bras qui ne lui a pas été enlevée. Je dois donc le faire.
L’avantage c’est que je sais faire, car en effet, c'est la deuxième fois. Cette première fois, nous avions mis un quart d'heure à stopper un très fort saignement. Cette fois-ci, c'est réglé au bout de cinq petites minutes. Cependant, même avec des gants, difficile en manipulant le cathéter et les compresses ensanglantées de ne pas penser à certains mots présents dans les documents et ordonnances qu'elle a rapportés, et que j’ai eu la bêtise de lire juste avant : Vih, Syphilis, Chlamydia, Métrorragie, Cocaïne, Viols etc.

K donne mon numéro de téléphone chaque fois qu’elle essaye d’obtenir de l’argent de quelqu’un. J’ai régulièrement des personnes un peu désemparées, à qui je répète inlassablement qu’il faut faire attention avec elle, et qu’il ne faut surtout pas lui donner d’argent. Ces conversations sont toujours délicates.
Il y a 10 jours c’était un policier qui essayait de comprendre la situation de cette femme qui s’était présentée au commissariat à moitié nue et complètement perdue. J’ai expliqué. J’ai bien sûr été confronté à son incompréhension que rien ne puisse être fait. Pendant le temps de cet échange, K s’est enfuie du commissariat.

Depuis 20 ans, je pratique les gendarmes et policiers, les pompiers, les urgences, les hôpitaux, les services de psy, les CMP, les médecins, les infirmiers etc.
Ils font ce qu’ils peuvent et je les en remercie chaque fois, car avec K, ils ont régulièrement à faire un boulot qu’ils ne devraient pas avoir à faire.
Ce qui m’a été dit il y a plusieurs années : "Rien ne peut plus être fait pour votre fille".
Une personne d’une grande association d’écoute et d’aide m’a confirmé il y a longtemps qu’il n’existe aucune structure en France qui aurait permis la prise en charge d’une personne comme K.
J’en ai pris mon parti. J’ai accepté, et je me suis "blindé", car c’est ce qui me permet de tenir pour continuer à être là pour K, jusqu’à ce que l’inéluctable arrive.
Ce qui est difficile à accepter c’est de se surprendre à de plus en plus penser qu’une seule structure pourrait peut-être éviter à K le drame : c’est la prison.
Mais pour cela, il faut que quelque chose de vraiment grave se produise. En effet, K a déjà 4 sursis sur la tête. Il semble donc que les actes de K n’étaient pas suffisamment grave. En discutant de cela avec ses soignants, j‘ai toujours exprimé ma grande crainte que la gravité nécessaire implique qu’une tierce personne soit impliquée. On entrera alors dans le fait divers.

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