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Bonsoir Cécile
Merci de nous avoir écrit. J'imagine qu'entre les enfants, ton travail, l'aménagement de votre maison, les tâches du quotidien et l'addiction de ton compagnon, tu es surchargée. Je suis heureuse qu'on arrive toutes les 3 à maintenir notre correspondance même si c'est à intervalle plus ou moins éloigné. J'ai beaucoup d'amitié pour toi et Lemouvement.
Écoute, je suis désolée de te savoir toujours aussi lasse et exaspérée. Ça me fait plaisir aussi, malgré tout, de te savoir toujours avec ton compagnon. Je sais que c'est dur mais j'ai espoir qu'il se soigne et que vous restiez une famille unie, vous 4 ensemble et qu'il comprenne beaucoup de choses.
Comme pour Lemouvement, je vois qu'il y a du positif :
- il s'est impliqué dans les travaux de votre maison et ça à mon sens, ça veut dire beaucoup. Il est accroché à vous, à son engagement auprès de toi. Une chose est certaine, il ne veut pas vous quitter. Te quitter. D'où :
- ses promesses de tout arrêter. Alors oui, on connaît les promesses d'un toxicomane, elles ne tiennent pas souvent (c'est un euphémisme), elles sont cependant sincères. Sur le moment, ils veulent croire à ce qu'ils disent.
- il passe plus de temps avec vos fils. C'est super pour lui comme pour eux.
Pour ce qui est de sa fixation sur la possibilité que tu le trompes, c'est plus l'expression d'une crainte. Il sent que tu lui échappes un peu ces derniers mois. Il sait que tu penses à rompre même si tu ne le fais pas. Il y a le fait que tu le repousses aussi quand il essaie d'avoir des moments de complicité avec toi. Plus la drogue qui peut l'amener à délirer et à être parano. Ça explique cela.
Le côté négatif je trouve c'est son inactivité. Ne rien faire va créer l'ennui et du coup, difficile de repousser le craving. S'il ressentait trop de pression dans cette boîte, il peut essayer d'en trouver une autre. Dans le domaine du bâtiment, y a toujours du travail (si mes souvenirs sont bons il bosse dans ce secteur). Eh puis, y a aussi la possibilité de se convertir et d'entamer une formation. Ça serait trop chouette. Ça associé à une rupture nette avec ses potes de drogue, ça serait une solide base pour essayer de prendre un nouveau de départ.
Je vais essayer de répondre à ta question quand tu te demandes si mon ex compagnon était aussi déconnecté.
Déjà, il a beaucoup de similitudes avec le tien. Ancien heroinomane, qui a rechuté dans la drogue avec le crack. Donc le même parcours grosso modo, avec les mêmes substances.
Je pense vraiment avoir vécu des situations semblables aux tiennes quand tu décris ton conjoint tantôt agréable et tantôt dur, déconnecté, bizarre. C'était exactement la même chose pour moi. En fait, il y avait 2 R:
- Le R très tendre, gentil, doux, attentionné, galant, toujours à me complimenter, très en demande d'affection, avec un côté petit garçon attachant, très intelligent aussi, vif d'esprit, qui comprenait ce que je ressentais et avec qui j'avais des conversations intéressantes. Il rêvait d'une relation qui ne s'arrêterait jamais, avec des enfants, une maison, un chat. L'homme idéal presque. C'est le R dont j'étais amoureuse
-et le R exécrable, stupide, pour pas dire carrément abruti, complètement déphasé et perché, pensant qu'à lui comme un gosse, pas à la hauteur de responsabilités d'adulte, carrément bizarre parfois, à dire une chose et son contraire dans la foulée, à faire des grimaces, à se sentir supérieur aux autres sur la base de rien du tout.
Lui aussi s'enfermait parfois longtemps, dans la salle de bain (on avait un appart). Et je ne savais pas ce qu'il y faisait. J'entendais ni eau couler ni rasoir fonctionner. Rien. Aucun bruit. Et il ressortait de ces "enfermements" avec une humeur très bizarre, distant, fuyant, agressif même méchant. Je n'ai jamais su ce qu'il faisait. Mais c'était à chaque fois pareil. Et quand je lui demandais, il était sur la défensive me disant méchamment que je le fliquais alors qu'il était censé être chez lui...etc.
Comme toi, il y avait des moments où il était dur avec moi. Me parlant brutalement. A me donner des ordres et me dire des choses blessantes. Rien avoir avec l'homme doux et tendre qu'il était à d'autres moments.
Pour tout te dire, même dans l'intimité cette double personnalité se faisait ressentir. Il y avait de magnifiques moments de fusion et de partage. Et des moments où il était vraiment brutal. Je me laissais faire car c'était le 1er avec qui j'avais eu des rapports intimes. Je n'avais pas de point de comparaison et je pensais que parfois un homme aimait avoir des rapports plus brutaux mais au fond de moi, je n'aimais pas ça. J'ai consenti par amour. Aujourd'hui, maintenant que j'ai une vie de couple équilibrée, je sais que ce n'était pas "normal" et qu'il y avait des moments où il était juste violent. Et tout ça aussi, j'essaie de panser et de faire cicatriser avec mon psychologue. Car il y a eu des fois où je me suis sentie "salie".
En fait, c'est comme s'il avait une double personnalité.
En plus des 2 R que je viens de décrire, il y avait aussi un R completement déprimé, triste, aux idées sombres, avec une piètre image de lui-même. Il me disait parfois préférer mourir, que cela serait mieux pour tout le monde. J'étais toujours malheureuse et choquée de l'entendre parler ainsi et j'essayais de le réconforter, de lui rappeler mon amour.
Sans parler des moments de manque où il était au plus mal. Il souffrait atrocement. Je passais des nuits entières à ses côtés, à lui faire des inhalations de fleur d'oranger et de camomille pour l'apaiser, le masser, lui éponger le visage avec des gants d'eau chaude. Je lui disais des mots doux à l'oreille, et je le serrais dans mes bras jusqu'à ce qu'il s'endorme. Après, ça allait mieux, et je le retrouvais très proche moi, de nouveau très tendre et aux petits soins.
Et ça recommençait. C'était des cycles qui se répétaient.
En définitive pour répondre à ta question "est-ce qu'il gardait pied ?". J'ai envie de dire non. La drogue alterait beaucoup trop son comportement. Il y avait des moments où il semblait lucide et où tout semblait normal et là nous étions heureux mais ces moments ne duraient pas.
Il me cachait ses consommations donc je ne saurais pas dire quand il était en descente, quand il "planait". Je n'ai jamais pu savoir les moments où il se droguait. Je n'ai jamais pu savoir qui était le véritable "R".
Voilà pour mon expérience.
Je suis désolée d'avoir été longue. Je me surprends moi même à en dire autant mais c'est vrai que quand on commence à parler, y a beaucoup de choses qui sortent.
Moi aussi je vous embrasse très fort et je suis de tout cœur avec vous !
Allegra mercredi 20 décembre 2023 22:33:27