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Sevrage, soutien et solitude

Par Lueurdespoir

Bonjour à tous,

Je suis nouvelle sur ce forum mais ai eu plusieurs fois l'occasion de contacter ce service que je remercie tout d'abord chaleureusement pour le soutien moral apporté et la bienveillance de ses équipes.

J'ai plusieurs fois été confrontée aux excès et dérives de mon compagnon quant à la prise de drogues dures. La cocaïne a souvent été au cœur du sujet pour des prises qu'il considérait comme festives mais que je refusais de cautionner. Est arrivée il y a 2 ans une expérience douloureuse pour notre couple (qui a failli ne pas y survivre) de consommation quotidienne pendant plusieurs semaines qui heureusement a pris fin.

Après avoir vécu cela, j'ai eu beaucoup de mal à lui faire à nouveau confiance (je ne m'étendrai pas sur les mensonges, tensions et autres conflits liés aux conséquences socio-professionnelles et financières de cette consommation) mais je pensais qu'il (nous) avait (avions) passé un cap. Jusqu'à ce weekend...

Il m'a avoué ce weekend qu'il prenait de l'héroine depuis plusieurs mois (il aurait craqué après une rupture de courte durée entre nous) et qu'il avait décidé de tout me dire et de tout arrêter à la dure.

Cela fait 48 heures qu'il souffre de douleurs physiques à cause du manque et c'est très difficile pour moi de le voir aussi mal et de trouver les bons mots pour le soutenir. Il ne cesse de pleurer et de me demander pardon, de répéter combien il s'en veut de me faire vivre cela, de m'avoir menti et d'avoir plongé malgré les risques et les dérives liés à cette substance qu'il connaissait déjà. C'est vraiment dur de le voir ainsi et surtout de ne pouvoir en parler à personne autour de moi pour le (nous) préserver.

J'ai pu m'absenter de mon travail hier matin pour l'accompagner chez un généraliste (par honte et par peur de l'image qu'on pourrait avoir de lui, il refuse de voir notre médecin traitant dont il connaît la famille) qui lui a prescrit du subutex et du valium et l'a mis en arrêt pour 2 jours (il travaille comme commercial).

Volontairement, il limite au maximum les prises de subutex pour ne pas en devenir dépendant. Il n'arrive toujours pas à dormir ou très peu et mal, se tord de douleurs et vomit la moindre goutte d'eau absorbée (il a passé la nuit dernière à se vider ainsi). Il est très faible et son moral est au plus bas... Je doute qu'il puisse reprendre son travail demain matin.

Au-delà de raconter tous ces détails que je cache à tout mon entourage et que j'avais besoin d'exprimer, je suis sidérée par le manque de bienveillance et d'écoute de beaucoup de professionnels de santé que j'ai pu contacter depuis 48 heures. A la recherche d'un RV pour une consultation hier matin, j'ai parfois eu au téléphone certains généralistes peu soucieux de ce qu'ils considéraient comme un cas "qu'ils ne géraient pas" (ce sont leurs mots).

Etant présente lors de la consultation, j'ai été choquée par les propos du généraliste vu hier qui n'a pas hésité non plus à bien enfoncer le clou sur la responsabilité pleine et entière de mon compagnon sur son actuel état de santé "je ne vais pas pouvoir faire de miracle, vous savez que vous allez morfler mais après tout vous l'avez bien cherché"blunk... alors que de lui-même il avait présenté la situation en toute honnêteté et sans jamais chercher à se dérober.
Est-ce bien utile de rabaisser les gens quand ils sont à terre et qu'ils ne demandent qu'un peu d'écoute et d'aide ?

Aujourd'hui encore, ce même médecin que je rappelle pour lui demander un RV en urgence (mon compagnon ne pourra vraisemblablement pas retourner travailler demain et il est primordial que son arrêt soit prolongé au moins de 48 heures pour ne pas perdre son emploi) m'envoie gentiment paître car "Vous savez j'ai fini ma journée à minuit hier, je suis débordé de travail depuis mon retour de congés lundi et j'ai d'autres patients qui ont vraiment besoin de moi alors je ne peux pas prendre de RV pour votre compagnon. C'est toujours comme ça lors de mes retours de congés. Essayez toujours de passer demain à midi, je vous recevrai peut-être mais je ne vous garantis rien".

Pas un mot d'encouragement ni un seul conseil pour celle qui soutient et qui accompagne. Encore moins pour le principal intéressé... C'est un toxico il l'a voulu alors bon, ça va, qu'il se débrouille maintenant... Il n'est pas à plaindre...

Dimanche, lorsque mon compagnon m'a tout raconté et que les premiers symptômes de manque sont apparus, je ne me suis pas mise en colère (je ne l'étais pas), je n'ai pas cherché à l'accuser (il reconnaissait déjà sa part de responsabilité), j'ai juste pensé qu'il fallait que je sois forte et présente pour lui car il s'apprêtait à affronter une traversée de tunnel douloureuse et que mon devoir était de l'aider du mieux que possible. Je l'aime et je veux le soutenir, il a déjà gravi la première marche (et pas la moindre) en dévoilant la vérité et en commençant ce sevrage.

Je pensais alors naïvement que je n'aurais nul mal à trouver une écoute auprès du corps médical et des propositions de solutions pour ces premières heures décisives... Les services spécialisés ne peuvent offrir de RV de prise en charge immédiate et cela se conçoit. Mais quand l'indifférence de l'urgence vient des médecins dits généralistes, je m'interroge... Je comprends encore une fois qu'un sevrage de toxicomane ne présente aucun risque pour sa santé et que le système de santé français souffre, mais les mots cassants qu'ont prononcé certains médecins et les portes qu'on m'a calqué au nez n'étaient vraiment pas utiles et m'ont vraiment fait du mal pour lui et pour tous les autres souvent seuls à devoir initier ces démarches...

Heureusement qu'il y a ce service ici pour retrouver un peu d'espoir....

Désolée pour ce long message, besoin de vider mon sac... Demain est un autre jour, avec un RV avec un nouveau médecin généraliste addictologue pour refaire le point...

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3 réponses


Moderateur - 21/07/2020 à 18h15

Bonjour Lueurdespoir,

Soyez la bienvenue et merci pour votre message.

Malheureusement, vous l'aurez constaté, certains médecins refusent de recevoir des patients pour des traitements de substitution et d'autres les reçoivent avec beaucoup de jugement de valeur. D'autres encore sont heureusement de bons professionnels et connaissent bien le sujet. Avec le médecin addictologue que vous devez voir demain vous serez probablement bien mieux reçue.

Mais concentrons-nous sur le moment présent.

Votre compagnon est en sevrage de l'héroïne. Il utilise la buprénorphine (Subutex®) plutôt pour essayer de limiter le manque et ne cherche pas à entrer en substitution pour ne pas en devenir dépendant.
Il a aussi beaucoup de chance de vous avoir car vous êtes là pour lui, pour le soutenir et l'accompagner.

Le sevrage de l'héroïne présente des symptômes spectaculaires et très douloureux mais ils ne sont pas dangereux pour sa santé. Pour l'aider, vous pouvez lui proposer des bains ou des douches chaudes, des massages légers pour décontracter ses muscles s'il supporte d'être touché, des repas légers et hydratants s'il est capable d'avaler quelque chose. Cela va durer une semaine environ. Le 3e jour est souvent le plus difficile, jusqu'au 5e environ et après le plus dur est normalement passé.

Concernant la buprénorphine, c'est une molécule qui a un temps d'action long (sur 24h). Comme il ne doit probablement pas en prendre de trop fortes doses il n'évitera pas totalement le manque mais l'atténuera. Nous espérons qu'il a pu prendre sa première prise suffisamment longtemps après le début de sevrage car dans le cas contraire le Subutex® a pu chasser les restes d'opiacés et précipiter au contraire un effet de manque au début, le temps qu'il agisse vraiment;

Courage, et en espérant que c'est bientôt fini pour lui et pour vous.

Cordialement,

le modérateur.

Lueurdespoir - 22/07/2020 à 11h55

Merci de votre message.

Les effets du sevrage commencent depuis hier soir à disparaître, mon compagnon refait petit à petit surface et je commence à être plus détendue. Aucun Subutex pris hier, 1/3 de la dose quotidienne de valium prescrite prise, spasfon et paracétamol lui ont permis de dormir quelques heures en continu. Il a commencé à se réhydrater et à manger hier soir, encore trop faible ce matin pour retourner travailler.

J'ai volontairement annulé le RV pris chez le médecin addictologue car j'ai découvert après coup de très mauvais commentaires d'anciens patients sur son comportement. Avec la première expérience de lundi, je ne voulais pas faire à nouveau face à l'indifférence d'un médecin, de surcroit considéré comme spécialisé en toxicomanie.
Nous sommes donc allés tôt ce matin chez un nouveau généraliste qui s'est avéré formidable par son écoute et son professionnalisme et s'est engagé à assurer un vrai suivi médical du sevrage sans substitut que souhaite mon compagnon. Il lui a prescrit du repos encore pour quelques jours.

Cette douloureuse épreuve de sevrage physique commence à prendre fin et je respire enfin.
Nous allons devoir à présent entamer une nouvelle phase de reconstruction qui m'angoisse un peu.

Je ne doute pas que ce sevrage douloureux va tenir mon compagnon éloigné pendant un moment des drogues dures mais je suis convaincue que son attrait pour les drogues en général et sa facilité à "tomber dedans" méritent qu'il fasse un vrai travail sur lui-même dans le cadre d'un suivi psychologique.

A ma demande, il s'est engagé à tenir cette promesse et j'espère vraiment qu'il l'honorera. De mon côté, j'ai trouvé la force et la patience pour l'épauler dans cette nouvelle rechute mais je ne suis pas sûre, après avoir géré l'urgence, d'être capable de faire confiance aveuglément et sur la base de simples promesses d'un avenir sans drogue.

Au moment où je l'écris, je me sens coupable d'être aussi sévère et aussi exigeante sur ce que j'attends à présent de lui, comme s'il m'était redevable de l'attention que je lui ai portée ces derniers jours et de la patience dont j'ai fait preuve envers lui lors des différents épisodes de consommation excessive de ces dernières années.
Je n'ai pas envie de revivre dans le doute, je me sais capable de fouiller partout pour être rassurée (ou pas) et je ne veux plus nous faire revivre ça. Notre couple n'y survivrait pas cette fois-ci.

Croyez-vous qu'il nous serait possible de bénéficier tous les 2 d'un suivi psychologique (individuel et à 2) ? Dois-je me tourner vers le CSAPA de notre ville ou pouvons-nous en parler au généraliste ?

Encore merci pour cet espace d'expression...

Moderateur - 22/07/2020 à 18h31

Bonjour,

Merci pour votre réponse et ces bonnes nouvelles ! Vous ne pourrez jamais vous séparer totalement du doute et vous ne pourrez pas contrôler ce qu'il fait. Ce n'est pas souhaitable et il ne faudrait pas que vous misiez tout sur le fait qu'il ne reconsomme pas. Bien sûr c'est ce qui peut arriver mais vous n'en n'aurez jamais la garantie. La confiance est quelque chose qui se reconstruit dans le temps.

Je crois que vous avez montré que vous l'aimez profondément. Ce retour de bâton vous concernant est normal, vous avez été secouée et vous ne voulez pas que cela recommence. L'idée de débriefer cela seule et/ou à deux avec un professionnel est une bonne idée.

Si le médecin généraliste que vous avez trouvé est à l'écoute vous pouvez vous tourner vers lui en première intention. C'est un interlocuteur de proximité précieux et si vous lui demandez quelque chose qu'il ne fait pas il pourra probablement vous orienter et vous recommander.

Le CSAPA de votre ville peut évidemment aussi vous recevoir, pour quelques entretient à deux mais surtout individuellement. A moins que ce CSAPA soit "équipé" pour prendre en charge les couples.

Une autre option, mais non spécialisée dans les addictions, est d'avoir recours à un thérapeute pour couples. Il existe des professionnels en ville et il existe aussi parfois des centres de thérapie de couple et familial.

En tout cas ce que l'on constate à travers cette aventure c'est que même s'il a des consommations que vous réprouvez, il existe un lien fort entre vous. Il s'est tourné vers vous lorsqu'il a commencé son sevrage et vous avez répondu présente. C'est une bonne base pour qu'il trouve la force à résister à ses "démons", même si cela ne sera pas forcément toujours le cas. Bien entendu de votre côté vous avez vos propres limites et c'est important de ne pas les perdre de vue non plus. N'hésitez pas à les lui dire.

Cordialement,

le modérateur.

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