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Kasolin54 - 30/09/2022 14:47:36

Bonjour à tous,

Merci pour ce fil et tous vos messages.

Au-delà d’un enfer partagé, j’y lis des mots réconfortants et de l’espoir.

Je regarde depuis longtemps les fils de discussion du site et je m’autorise pour la première fois à y répondre. Je m’excuse par avance : mon message sera certainement long. Mais aujourd’hui j’ai besoin de m’exprimer, et ce fil est empreint de bienveillance et de partage dans le respect.

Je n’ai pas vraiment la force de vous partager toute mon histoire en refaisant un historique de ma consommation. Rapidement, et comme beaucoup d’entre nous je crois, d’une consommation occasionnelle, festive, à des cravings, une envie de consommer de plus en plus obsédante, jusqu’au passage à une consommation incontrôlable.

Des moments de consommation plus intenses que d’autres, mais sans relation toxique au produit, c’est-à-dire, au début, sans addiction active.

C’est il y a deux ans que j’ai commencé à avoir des cravings, bien que dans le cadre de soirées. J’ai commencé à consommer parfois seule, car je n’arrivais pas à garder les « restes » de la soirée du week-end. Mais cela fut temporaire et occasionnel. Il y a 6 mois, j’ai commencé à considérer sérieusement, plus régulièrement, que c’était un problème, même si la consommation et les cravings ne re-depassaient pas à nouveau le cadre des soirées (pas de consommation seule).

Ce constat d’addiction me pesait de plus en plus.

Alors je me suis intéressée à la sobriété, j’ai lu, téléchargé des applications, écouté des podcasts. Faisant le lien entre ma consommation d’alcool et les cravings de cocaïne, je décide d’arrêter de boire en février 2022. Pendant presque deux mois. Cette première période d’abstinence se passe bien, sans plus.

Puis au bout d’un ou deux mois, je recommence à consommer de la cocaïne, puis de l’alcool. C’est reparti pour une période de chute libre, soirées en semaine, cravings, etc. Mais toujours en contexte à peu près festif.

Sauf que ma consommation, bien que festive, m’a toujours énormément angoissée. Une angoisse profonde, panique. Surtout ces 4 dernières années. Alors après avoir consommé en soirée, je dormais grâce à des anxiolytiques, qui me permettaient d’éviter « l’hang-xiety » (hangover / anxiety) du lendemain.

Quelles angoisses ? Surtout l’impression de trahir. De trahir ma famille : « qu’est-ce qu’ils penseraient de moi s’ils savaient ? ». J’avais tellement honte. Parfois, juste la pensée de « j’ai pris dans ma vie / je prends de la drogue » m’angoissait. J’enviais ceux qui étaient restés loin de tout ça. Et quoiqu’il en puisse paraître, j’avais aussi l’angoisse obsédante de devenir bête en « cramant » mes neurones. Je pensais que si j’oubliais ou ne comprenais pas quelque chose au travail, la cause se trouvait dans la consommation en soirée du week-end passé. Et puis des fois, pas de pensées, juste l’impression d’étouffer et d’être une menteuse.

J’essaye la sobriété une deuxième fois en mai. Du sport, de la méditation, de la lecture. Je résiste aux cravings et aux soirées. Je me sens bien. Le sentiment le plus caractéristique de cette période est celui de LIBERTÉ. En majuscules.

Je me sens libre d’être qui je veux. La version de moi que j’aime : ambitieuse professionnellement, en forme physiquement. Je m’inscrivais à des moodles en ligne, je voulais m’instruire, tout recommencer à zéro. Démarrer une nouvelle vie.

Un vent de bonheur et d’espoir soufflait sur les vagues périssantes de mon addiction.

Mais elles n’ont pas complètement péri. On aura toujours envie, l’addiction rôde au tournant, il faut rester alerte en tout circonstance . Je ne l’avais pas compris. J’ai du mal à comprendre cette rechute, mais je pense que ce manque de vigilance l’explique en partie.

A la rentrée, fin août, je vois des personnes consommer devant moi. Le craving est trop intense, je les rejoins 1h plus tard à leur after. J’avais pourtant fait ma routine : couru 6km, médité, douchée, petit masque et session vernis. J’avais pris soin de moi.

Je rechute à nouveau le dimanche suivant. Puis de fil en aiguille, l’avalanche s’est déclenchée et j’ai été prise dans son effet boule de neige. Je commence à reconsommer en semaine, avec des amis. Puis je commence à consommer seule et surtout n’importe quand dans la journée, car je suis fatiguée, et je télétravaille. C’est la première fois. Je commence aussi à consommer partout. Tout le temps. Dès le matin. La fatigue …

Le binge dure 3 semaines. C’est un cercle vicieux alimenté par la fatigue. Mais le feu est ravivé par un phénomène étrange : les angoisses ont disparu. Je ne stresse plus. Alors je dépasse toutes les barrières, celles qui m’auraient brisée en mille morceaux encore quelques mois auparavant : prendre dans la journée, prendre avant le travail, faire des réunions en visio complètement défoncée, passer des appels à ma famille. Voir ma mère pour un dîner après avoir pris tout l’aprem. Voler. Dans la consommation de mon copain. Mentir.

Ça me brise le coeur, mais à l’époque, je ne ressens plus rien. Rien.

Alors le binge continue. Jusqu’à ce que je ne puisse plus me présenter au bureau, éreintée, incapable de fonctionner sans drogue tout une journée. Je me dis simplement « je vais terminer ce que j’ai (mon gramme) on verra ensuite ».

Jusqu’au jour où je consomme 2g en quoi, 24h ? Je pèse un peu plus de 50kg, je ne sais pas si ça joue, mais je suis à ce moment-là au bord de l’intoxication. Le lendemain, je demande un arrêt à mon médecin.

J’appelle à l’aide, en mode automatique, venant de mes tripes et de mon inconscient, ma psychologue, et ma psychiatre. Elle me suit depuis 7 ans pour troubles de l’humeur (j’ai les mêmes traitements que pour une bipolarité). Car oui … je prends des médicaments depuis 7 ans, à la suite d’un épisode manique/dépressif sévère. Je n’ai jamais parlé de ma consommation de drogues à ma psychiatre j’avais trop honte. Je savais que c’était stupide, mais jusqu’à très récemment, j’étais incapable de verbaliser ma consommation, mon problème, à des professionnels de santé (médecin, psychologue, psychiatre …). Prendre de la drogue m’angoissait tellement, c’était tabou. Impossible d’en parler.

Lors de mon rendez-vous avec ma psychiatre, je craque. J’avais prévu de lui demander de l’aide, pour que ce binge s’arrête. Je lui demande en pleurs. Elle m’amène à accepter une hospitalisation.

Je reste 1,5 semaine à l’hôpital. Je ne ressens toujours rien quant à la gravité de la situation, et de ce qu’il s’est passé. Ce qui m’angoissait au plus au point, la drogue, la cocaïne, ne m’angoissent plus. Ce que j’ai fait pendant le binge non plus. Toujours pas.

J’ai des cravings à l’hôpital. Envie de consommer. C’est fou… hospitalisée pour « sevrage lié à une consommation de cocaïne et une réévaluation thymique », je suis encore en pleine addiction active.

Je suis sortie il y a trois jours. J’ai consommé le jour de ma sortie. Et aujourd’hui, depuis le réveil, ou presque.

Je l’ai caché à mon copain. Mon copain à qui j’ai fait de la peine à cause de mon hospitalisation. Il serait fou de rage, mais surtout déçu, triste, en apprenant que j’ai consommé le jour même de ma sortie.

Et ça, cette trahison-là, à lui qui me supporte, m’aime tous les jours, c’est trop.

J’ai, sous le poids de cette culpabilité et honte du mensonge envers les gens qui m’aiment, et qui sont à mes côtés à l’hôpital, enfin craqué aujourd’hui. J’ai coulé toute la matinée sous une rivière de pleurs, implorant un « pardon » à moi-même.

Implorez-vous le pardon. Pas seulement envers les autres, ces personnes que vous avez peur d’avoir déçu. Demandez-vous pardon aussi à vous même.

Demandez pardon à l’enfant blessé qui sommeille en vous. Les traumas qu’il a subit ne sont pas de sa faute. Il ne méritait que l’amour et la sécurité. Si aujourd’hui des voix toxiques vous hantent toujours, vous n’avez pas à les écouter. Elle n’ont pas le droit d’avoir toujours de l’emprise sur vous et vos actions. Sur votre bien-être, santé et bonheur.

Vous pouvez être la meilleure version de vous-même. Vous pouvez être qui vous voulez.

Ce que je dis peut paraître stupide, étant moi-même en rechute, mais j’ai fait l’expérience de la sobriété plusieurs mois (surtout la 2e fois), et je vous assure que ces sentiments, décrits partout sur les réseaux sociaux par les personnes étant sobres, sont réels. Ils sont possibles et vous pouvez vous aussi les vivre.

Lecteurs de mon message ou non, je vous souhaite une bonne journée. Un pas après l’autre, chacun a son rythme. Petite décision par petite décision.

Courage à tous.

Kasolin54 vendredi 30 septembre 2022 12:47:36